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© Galerie Yvon Lambert

Vampyrs

Mêlant leurs œuvres  – vidéos, installations et photographies – Anna Gaskell et Douglas gordon entament un dialogue visuel et sonore dans les deux salles de la galerie Yvon Lambert.

En hommage à cette galerie culte, dont il s’agit d’une des dernières expositions avant sa fermeture définitive à la fin de l’année, Artefact s’est aventuré dans cet univers riche et onirique.

C’est le résultat de sa très étroite collaboration avec Svetlana Lunkina, première danseuse du Bolchoï qu’Anna Gaskell nous donne à voir, jouant à explorer et à subvertir les rôles d’interprète et de spectateur.

Lunkina regarde Gaskell en train de l’observer, tout en sachant que la danseuse est alimentée par le regard du spectateur qui ne peut être activé que par la danseuse elle même. Les deux femmes exécutent ainsi un pas de deux, fusionnant la performance de Lunkina dans le travail en deux dimensions de Gaskell.

Douglas Gordon donnera à cette exposition une forme de rétrospective, avec une large sélection d’œuvres anciennes et nouvelles, choisies pour offrir au visiteur l’expérience sensible de la profonde dualité de la nature humaine : amour et haine, séduction et violence, vie et mort…

Un dispositif rappelant les cabinets de curiosité, où l’étrange côtoie le merveilleux, rend propice les réminiscences et permet une nouvelle fois de tester le pouvoir d’attraction de l’image et sa capacité de transformation du réel.

L’exposition porte le nom de vampyrs. Comme si de la collision des deux artistes, deux créatures attractives et vénéneuses venaient raconter une histoire commune et  singulière.

Pourtant les supports employés diffèrent totalement et n’en conversent qu’avec plus de richesse plastique.
Première surprise : les vidéos sont des extraits de ballets, de répétitions, de pas de deux orchestrés par Gaskell, là on l’on pensait retrouver le grain si particulier de l’image étirée par Douglas Gordon.

Gaskell immerge dans le monde du Bolchoï, ou plus particulièrement capte des moments d’intimité d’une danseuse lors de répétition et côté coulisse.Les portraits, volontairement traités en sous exposition lumineuse livrent l’inquiétude des traits, la relâche d’un corps rendu au sensuel, les gestes préparatoires automatisés, un miroir qui se demande ce qu’il reflète et capte une émotion prise dans une  temporalité flottante.

Des allers retours s’opèrent entre deux mondes, celui du spectacle, de l’exhibition esthétique et celui d’une intimité rendue au non ostentatoire. Le deuxième aspect, plus en subtilité n’est pas le moins troublant, même dans son apparente banalité qui désacralise la danseuse et rend à la femme la fragilité du lâcher prise.

Douglas Gordon lui donne la réplique par une sculpture/ installation qui décloisonne les genres et mêle une aile de cygne blessée à des coulées noires qui débordent hors cadre. Beauté de l’envolée du geste, qui reflète par faisceaux lumineux aléatoires les plumes en relief de l’installation environnante.

Un chemin d’ampoules  agglutinées, comme un reliquat de fête explosé au sol, éclaire le parcours, répond aux lumières alignées sur le cadre  des miroirs professionnels visibles sur les photographies. C’est  bien une mise en volume  élaborée par Douglas Gordon qui permet aux images de Gaskell de devenir soudainement tangibles.

Et quel sentiment définir devant la palette d’émotions qui saisit à la vue de ses loups taxidermiés ? L’œil piqué d’une multitude d’aiguilles, comme si le référent magique des contes était renvoyé à une froide réalité d’expérience laborantine. Ces loups « au coin », figures surréalistes maculés de peintures contrastées à l’extrême, interpellent dans ce jeu d’attraction / répulsion propre à Gordon. Animaux blessés forçant la compassion devant la sauvagerie humaine qui anille leur aspiration prédatrice et les réduisent à la  posture de victime.

Les coulées noires ne sont pas sans évoquer les catastrophes écologiques et se faire larmes de mort, chant du cygne, se jouant des signifiants. Les flaques blanches quant à elles, posées en sorte d’antidote, se révèlent plus énigmatiques et convoquent le merveilleux. Le parti pris de l’accrochage dessine les contours d’une ambigüité en mouvement, le geste arrêté, reflété, répercuté, comme en sursaut de vie intriquée intimement à la pulsion de mort. En juste métaphore de la représentation scénique, dont il ne subsiste que le souvenir, le feu des  projecteurs une fois  éteints…

Il émane de cet ensemble un onirisme sombre et intense, de celui qui parcourt  les contes, qui constituent les toiles de fond des pièces de ballet.

Le fantasme est vite rattrapé dans sa crudité par le réel .Mais sans jamais parvenir à le départir de sa poésie qui ne cesse d’irradier par flot continue, et dans cet interstice qui unit un moment recréé aux spores du paradoxe.

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Vampyr du 6 septembre au 25 octobre 2014

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