Helmut Newton, l’homme qui aimait la Femme.
Lorsque l’on évoque Helmut Newton, la première image qui apparaît, bien souvent, est celle des grands nus. Ces superbes amazones a la nudité conquérante, perchées sur de très hauts talons d’escarpins acérés fascinent et restituent de façon emblématique les années de pouvoir et de frime, de luxe et d’argent que furent les années 80. Forte d’une révolution sexuelle bien menée, elles s’incarnent en objet de fantasme suprême mais dans le paradoxe d’une posture dominante. L’impact visuel de ses noirs et blancs lumineux et contrastés, la sophistication de ces bourgeoises ultra raffinées, triomphantes véhiculent une esthétique sulfureuse, une sexualité charismatique et désirante. Helmut se ressent non en photographe mais en voyeur professionnel. Il compose une œuvre à partir ses fantasmes personnels et de sa vision de la femme. Il la désire forte, ce qui le sécurise, à l’image de celles qui ont marqué sa vie.
En premier lieu sa mère, grande bourgeoise juive allemande qui sauve sa famille du nazisme en fuyant pour la Chine. Cette même mère le place comme apprenti auprès de Yva, la femme photographe qui l’initiera au portrait, au nu et a la photographie de mode.
Son univers érotique est également marqué par Erna la Rouge, célèbre prostituée flamboyante aux cuissardes carmin et à la cravache habile, souvenir qu’il relatera souvent comme une des scènes primitives de la construction de son imaginaire.
Et enfin, la femme qui l’accompagnera toute sa vie, son épouse, sa collaboratrice, celle qui lui a sacrifié sa vie et lui a permis de pleinement réussir la sienne: June.
Helmut, l’instigateur de ce que l’on nommera le porno chic, a su imposer a l’univers de la mode ses images sulfureuses et provocantes et créer une nouvelle esthétique parfaitement maitrisée dont les plus grands, à l’instar d’un Tom Ford, se réclament aujourd’hui en fils spirituel. Ce n’est pas un hasard si ce dernier officia même chez Yves saint Laurent, l’homme qui donna le pouvoir aux femmes et couturier emblématique de l’œuvre de Newton. Il n’est plus question ici du charme discret de la bourgeoisie mais de la bourgeoisie délurée, jubilatoire, débridée et à la sexualité assumée et conquérante.
Avec humour, aplomb, il a su imposer sa vision grâce a une extraordinaire liberté de création et la confiance de celles qui ont collaboré avec lui, les rédactrices de mode de Elle et Vogue, en France notamment.
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Puissance du fétiche sur l’image, attraction pour les sexualités sado masochistes qui génèrent des scénographies impactantes, la photographie de mode s’en retrouve révolutionnée : « Je suis très attiré par le mauvais gout, nous dit il, plus excitant que le prétendu bon gout, qui n’est que la normalisation du regard. (…) Si je cherche la vérité d’un point de vue, je ne vais pas me conformer à ce que l’art accepte ou non. Les mouvements sado-maso par exemple, me paraissent toujours très intéressants : j’ai en permanence dans le coffre de ma voiture des chaines et des menottes, non pas pour moi mais pour mes photos. »
Quand on demande à sa femme si elle ne conçoit pas de jalousie de voir son mari au contact des plus belles femmes du monde, elle répond alors que ce n’est que professionnel, même si son art constituait pour lui une véritable passion, une obsession. Elle conclut en disant qu’elle ne s’était inquiétée qu’une seule fois, lorsqu’elle l’avait vu commencer à photographier des fleurs, des fleurs fanées.
June avait parfaitement compris qu’a travers cet acte créatif s’opérait la sublimation qui la préservait de toute tentation sombre a assouvir dans le réel. Newton reconnaît lui même qu’il était très timide et n’aurait jamais osé aborder une jeune fille dans la rue et que paradoxalement il était l’être le moins pervers du monde. Il s’amusait d’autant plus dans ce laboratoire si riche que représentait l’univers de la mode, avec les plus jolies poupées mises a disposition offrant toute la docilité et la patience qu’exige le métier à l’élaboration de ses visions érotiques libératrices.
Comme pulsion de vie et de mort se côtoient de près, il reconnaît également certaines fascinations à caractère morbide, sa collection d’images provenant d’archives judiciaires, de scènes de crimes et faits divers.
Il reconnait la force du paradoxe: « Les grands nus commencés en 1980, m’ont été inspirés par des photos d’identité judiciaire de terroristes allemands. J’en ai réalisés 21 par intermittence jusqu’en1993. »
Helmut réalise aussi des publicités, toujours de façon identitaire ainsi que des portraits. Pour ces derniers, il déclare : « j’aime photographier les gens que j’aime, ceux que j’admire et ceux qui sont célèbres, surtout quand c’est pour de mauvaises raisons ».
Nulle place pour le compromis ou la demi teinte, et ce déterminisme convaincu et lui seul qui permit de donner toute l’envergure à sa photographie.
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Le Grand Palais organise aujourd’hui une rétrospective qui lui est consacré sous le commissariat principal de June Newton, son épouse, dépositaire de son œuvre.
Plus de 200 photographies de différents types et formats y sont présentées, passant de superbes séries polaroid aux formats monumentaux.
L’exposition s’organise de façon chronologique jalonnée de citations notables venant sous tendre chaque thématique. On y lit par exemple :
– « Rien n’est plus dévoilant que la nudité, fut elle la nudité vêtue. »
– « Une bonne photographie de mode doit ressembler a tout sauf a une photographie de mode. A un portrait, a un souvenir, à une photo de paparazzi… »
– « A ceux que mes photos scandalisent, je répond: il faut être a la hauteur de sa mauvaise réputation. »
Le film documentaire que June a réalisé et commenté « Helmut by June » est donné à voir au centre de l’exposition et retranscrit ce mélange indéfinissable de passion obsessionnelle mâtiné de légèreté et de dérision lucide.
Helmut déclare: « Certains photographes font de l’art. Pas moi. Si mes photos sont exposées dans des galeries ou des musées, tant mieux mais ce n’est pas pour cela que je les ai réalisées. Je ne suis qu’un sbire. » Il était également l’artiste du cynisme, humble, parfaitement conscient de ce qu’il générait, des images produits de consommation pour faire de l’argent dans un monde de pouvoir qui glorifiait le luxe, la frime, le fric. Un exemple qui trouve son apogée dans une scène du film, où deux jeunes hommes sont captivés par sa série photo avec Cindy Crawford. On la voit en maillot de bain, talons vertigineux et ruisselant de joaillerie descendre un escalier en plein centre et ils viennent demander à Helmut si il peut les prendre en photos avec elle. Sa réponse terrible est de leur demander combien ils ont sur eux et d’accepter le billet de 500 dollars tendus, car au final il assume son postulât. Il peut tout faire, pour de l’argent, sans démarche, ni sens… Mais avec quel talent !
On ressort de l’exposition ému. A l’émotion du choc esthétique à la rigueur impeccable d’un des plus grands maitres de la photographie moderne, succède ensuite l’émotion de la perception de l’amour inconditionnel de June.
June qui abandonna ses propres ambitions et sa carrière d’actrice. June au pseudonyme de Alice Spring, lorsqu’il fallut qu’elle devienne photographe à son tour, qu’elle remplaçât son mari au pied levé. June qui accepta d’être toujours la seconde priorité de son homme derrière la photographie. Mais surtout June qui œuvrera toute sa vie de femme pour qu’Helmut préserve la liberté, condition ultime, de produire son art, le mettant à l’abri de toutes entraves.
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Du 24 mars au 30 juillet 2012 : Tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 22h.AU grand Palais, Paris
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