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Loris Gréaud, enfant prodige de la scène artistique contemporaine française frappe encore un grand coup!
En artiste conceptuel, il a toujours fait primé l’idée sur le support, qui trouve sa représentation dans le champs des arts plastiques, comme dans celui de l’architecture en passant par l’œuvre olfactive jusqu’à rencontrer aujourd’hui celui du septième art.
En effet, The Snorks a concert for creatures, son projet personnel, sort en premier lieu dans les salles parisiennes de cinéma MK2 le 17 octobre avant d’être diffusé à l’internationale.
Ce film expérimental en noir et bleu vient compléter, pour ne pas dire aboutir un projet personnel ambitieux démarré il y a plus de trois ans.
Il a pour point de départ l’intérêt pour les créatures abyssales (celles qui vivent dans les conditions les plus extrêmes du globe terrestre, à moins quatre mille mètres, dans l’obscurité et le froid absolu des profondeurs océanes) et la découverte de la bioluminescence, leur fascinant et poétique processus de communication. S’en est suivi un travail collaboratif avec les chercheurs du MIT qui lui ont appris que la bioluminescence était un des modes de communication les plus répandus sur la planète et qu’il était particulièrement sensible aux modulation de fréquences.
Il a invité Anti-Pop Consortium, le groupe le plus visionnaire d’abstract hip hop, à composer un concert pour ces créatures. Des plongeurs sont descendus diffuser cette bien étrange musique aux crevettes, planctons, méduses et autres micros organismes. Ces derniers, émoustillés d’un si bel et inattendu intérêt se sont mis alors à générer, au stimulus des notes qui leur étaient destinés, d’incroyables et émouvants feux d’artifices sous marins.
Etablissant un rapport de symétrie entre la profondeur des abysses et l’immensité des cieux, l’artiste a tiré ensuite une reproduction pyrotechnique à ces réponses lumineuses, dans le cadre du Abu Dhabi Art fair 2010. La vidéo de feu d’artifice fut ensuite projetée sur les écrans de Times Square à New York, lieu symbolisant un point de jonction de la communication urbaine.
Ce cheminement a conduit au film qui en relie les éléments et donne le point de départ d’une tournée de concert, cette fois jouée aux humains. Anti-Pop Consortium au moment du générique de fin arrive sur scène, apparition à la façon d’une fenêtre pop up, qui vient s’incarner dans une singulière mise en abime.
Dans ce moyen métrage, reprenant ce parcours initiatique, les processus croisés de créations et l’histoire que l’auteur se raconte, il a confié à Charlotte Rampling, monument de sensualité et d’élégance du cinéma, le rôle de son incarnation personnelle. Elle apparaît comme une sorte d’ «anima» de Loris Gréaud, le double féminin sensible, reprenant le labyrinthe des obsessions de l’artiste. L’univers dans lequel elle évolue, étrange et onirique n’est pas sans rappeler celui de David Lynch, présent également à l’affiche. Mais c’est de la part rationnelle dont il se retrouve investi. En second narrateur, il assène mécaniquement au micro de son studio des vérités scientifiques essentiellement chiffrées. Choix pour le moins intéressant, lorsque l’on sait de quelles abstractions énigmatiques ce réalisateur nébuleux s’est rendu maitre dans l’inconscient collectif.
Les scènes aquatiques rappellent tout particulièrement combien Loris Gréaud est avant tout artiste plasticien.
Evitant l’écueil du documentaire marin, il fait surgir avec brio des plans macros sur les textures visqueuses, les peaux écailleuses, luisantes, parfois mouchetées comme autant de jeux graphiques. Des corps ondoyants dans l’eau, des tentacules aériens et gracieux font directement écho au ciel où écume et trainées nuageuses se confondent de façon troublante. S’y superposent également les boutons de consoles des tables de mixage faisant dialoguer l’organique avec le technologique.
Confusion entre le marin et le galactique avec la mise en parallèle d’intra et d’extra terrestre et notre mode communication avec ces Aliens qui passe par le même medium.
Nous retrouvons bien ici tout ce que l’on aime avec Loris Gréaud : l’idée visionnaire, hautement ambitieuse étayée par la collaboration de scientifiques dans une quête de réelle précision, l’esthétique de la forme rejoignant celle de la pensée, la liberté intuitive exponentielle de l’expression et cette fameuse boucle spacio temporelle se refermant sur elle en une implacable maitrise.
L’ambigüité de la temporalité, entre ce qui fut et ce qui est sur le point d’advenir, était déjà un point très notable de son exposition française la plus retentissante, Cellar Door en 2008, ou a tout juste 29 ans il recevait l’espace du palais de Tokyo à investir. Ce vaste projet comprenait en outre, un parcours qui revisitait la notion d’atelier, une communication sur des bonbons sans saveur, un opéra expérimental, un champagne noir et une forêt d’arbres « calcinés ». L’apparence de ces derniers était donnée par le matériau les recouvrant, à savoir de la poudre de canon, alors que théoriquement ils étaient sur le point de s’embraser… Il établissait ainsi un semblable processus et réflexion sur l’étonnant « tremors were forever »: ou l’artiste demandait a un neurochirurgien d’enregistrer un encéphalogramme d’une trentaine de minutes, ensuite transposé en vibrations. Sa réflexion portait sur cette même exposition Cellar Door, cette fois achevée. Il renvoyait dans cette nouvelle œuvre (traduite par des ondes sismiques et clignotements lumineux via des machines aux câbles blancs laiteux élégamment disposés au sol) à l’idée d’embryonnaire sur une temporalité révolue et interrogeait sur la pérennité.
Apres la Pace Gallery à New York ce printemps, la galerie parisienne Yvon Lambert consacre une exposition monographique à l’artiste du 18 octobre au 5 décembre, reconstruisant le projet Unplayed notes, qui va investir l’intégralité du lieu. A ce nom joliment évocateur, encore une fois Loris Gréaud exprime son désir constant de faire affleurer le non tangible.
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